Une fin d’année sportive prématurée et les regards sont déjà tournés vers la rentrée prochaine. Comme chaque saison, les clubs de sports se préparent à accueillir de nouveaux licenciés. Pourtant, à l’heure de choisir leur futur club, tous les habitants de Bordeaux métropole ne sont pas logés à la même enseigne.
Pour comprendre cette inégalité face à l’accès au sport, nous avons choisi de nous mettre dans la peau d’un sportif de douze ans. L’adolescent, habitant à Cenon, souhaite intégrer une école de rugby en septembre. Pour cela, il cherche un club près de chez lui. Problème : il n’en existe aucun dans sa commune. Seule solution pour pratiquer le sport de son choix, le collégien doit parcourir entre trois et quatre kilomètres pour rejoindre la structure d’une commune voisine, à Lormont ou Floirac. Une situation qui implique un coût économique et logistique pour les parents, contraints d’effectuer le déplacement chaque semaine pour l’amener aux entraînements.
Bien que fictif, ce scénario nous a été inspiré par les données collectées lors de notre enquête. Elles indiquent qu’il existe un réel déséquilibre dans l’accès aux clubs de sport en fonction du lieu de résidence, à Bordeaux métropole. Concentrée sur la pratique de cinq sports (tennis, football, rugby, basket et équitation), notre étude a permis de recenser l’ensemble des clubs disponibles pour un adolescent de 12 ans et révèle une surreprésentation de l’offre sportive à l’ouest avec 105 structures, contre 36 pour la rive droite.
Sur cette carte est recensé l’ensemble des données que nous avons collectées et triées selon le sport et leur localisation. Les différents « tarifs » représentent la façon dont nous les avons classées grâce aux calculs des quartiles de l’étendu des tarifs pour un même sport. Si le tarif est inférieur ou égal au premier quartile de la série, il est qualifié de « bas ». S’il est compris entre le premier quartile et le 3e, le tarif est « modéré ». Enfin, s’il est supérieur ou égal au troisième quartile, il est « élevé ». Les tarifs indiqués avec des astérisques sont ceux dont nous n’avons pas pu croiser deux sources, à savoir le club en personne via mail ou téléphone, et leur site internet.
Une répartition inégalitaire qui s’explique en partie par l’héritage socio-économique de la métropole. Ces quarante dernières années, l’essor de l’aéronautique a entraîné de profondes modifications dans la répartition sociale de la ville, explique le sociologue François Dubet. « L’activité économique s’est déplacée à l’ouest en élevant significativement son niveau de qualification. Cela a conduit à l’enrichissement de ces communes et au déclin de la traditionnelle industrie maritime installée autour de la Garonne. » La proportion d’ouvriers a ainsi nettement chuté, passant de 35 % des actifs en 1968, à seulement 18 % aujourd’hui, selon les chiffres de l’Insee. A l’inverse, seul un actif sur sept appartenait aux professions intermédiaires en 1968, ils sont plus d’un sur quatre actuellement.
Une métropole à deux visages se dessine : à l’Ouest, l’installation des classes moyennes et l’expansion économique ont permis aux communes de développer une vie urbaine autonome ; à l’Est, la disparition du bassin d’emploi provoque l’appauvrissement de la proche banlieue, dépendante du reste du territoire. La localisation des clubs et des infrastructures sportives ont également tendance à respecter cette rupture entre l’Est et l’Ouest. Le constat de l’existence de zones blanches et d’écarts tarifaires est l’objet de l’analyse de notre premier dossier sur les inégalités d’accès aux clubs.
Pour autant, cette explication n’est pas suffisante. « Aujourd’hui, Bordeaux est beaucoup plus complexe qu’une fracture entre l’Est et l’Ouest », nuance François Dubet. « Bordeaux métropole apparaît comme une ville peu clivée. A l’inverse de Marseille, il n’y a pas de quartiers pauvres et un centre riche, puisque des poches de pauvreté subsistent dans les quartiers les plus aisés de l’Ouest, et inversement. » Pour le sport, les facteurs sont multiples. Dans la deuxième partie de notre dossier, vous verrez qu’il existe des écarts de prix importants, même entre deux clubs voisins. Des variations économiques qui peuvent s’expliquer en partie par le montant des subventions, le prestige et l’emplacement du club, la qualité de l’équipement, ou encore la politique menée par l’association sportive.
L’ensemble de ces disparités économiques et géographiques rendent inégalitaire l’accès au sport pour les jeunes de la Métropole. Mais certaines structures tentent d’y remédier. Dans la troisième partie, partez à la rencontre de clubs qui pratiquent des tarifs plus inclusifs. A Mérignac, un poney club affiche les tarifs les moins chers de la Métropole : 28% plus bas que l’abonnement moyen. D’autres comme à Lormont n’excluent pas les enfants porteurs de handicap des cours collectifs, trois fois moins chers que des cours particuliers …
Pour réaliser cette enquête, huit étudiants de l’IJBA se sont plongés dans l’univers du data sportif. Une aventure longue de plusieurs mois, à récolter et analyser les données, qu’on vous raconte sous forme de making-of, juste ici :